LE DRAME DES MINEURS

Une mère loin de son fils

3 oct 2015, Anabelle Nicoud, La Presse

Guadalupe est une femme menue. Elle parle un français hésitant, mais elle a tenu à raconter son histoire, prenant parfois des pauses pour ravaler ses larmes. Elle n’a pas revu son fils, Daniel, depuis son arrestation, son placement en détention et son renvoi, il y a 10 mois.

« Nous parlons au téléphone depuis qu’il est au Mexique. Je sais qu’il a commencé à travailler, mais c’est difficile car il n’y a pas beaucoup de travail, surtout pour les mineurs. »

« Depuis qu’il a remis les pieds là-bas, j’ai toujours peur qu’il soit assassiné. Le Mexique est un pays dangereux, il est seul, et il n’y a aucune prise en charge pour lui. » — La mère du jeune Daniel, expulsé au Mexique

« Mes enfants se sont développés ici. Daniel, mon fils, arrivé à 9 ans, a un problème de surdité. Mais ici, il a pu travailler à l’école, il a appris la langue, malgré son problème. Il a pu être traité comme un enfant normal ici alors qu’au Mexique, il se faisait bullyer, on disait qu’il avait un problème…

« J’ai voulu lutter pour rester ici, pour mes enfants. Je n’avais pas d’options. J’ai fait tout ce que j’ai pu, mais c’est difficile. Je suis seule, je n’ai que mon salaire pour vivre, je fais du travail comme je peux, dans les champs, dans les maisons, dans les hôtels. J’ai toujours dit à mes enfants d’éviter la police à tout prix, de se cacher. C’est très difficile de ne pas avoir d’identité. Même mon appartement n’est pas à mon nom.

« Mes enfants allaient dans une école de la Commission scolaire de la Pointe-de-l’Île. Tout le temps, mon fils avait peur que l’on découvre qu’il n’a pas de papiers. Régulièrement, on nous a demandé de payer des frais parce que nous n’avons pas de papiers. Mes enfants avaient tout le temps peur, et tout le temps honte.

« Mais nous avons déménagé, et ils ont changé d’école. Mon fils est retourné en octobre pour voir ses amis, pour son anniversaire. Il a été arrêté, a été menotté… devant ses amis. Sa sœur l’a vu rentrer dans la voiture de la police. Il s’est fait poser beaucoup de questions. Qui tu es ? Où tu habites ? Mais il n’a rien voulu dire. Car si je suis arrêtée moi aussi, ma demande de résidence permanente tombe à l’eau. Il a été à Laval. Il a été renvoyé vers le Mexique.

« Je ne peux rêver que d’une chose : que ma demande soit acceptée, que mes enfants soient ensemble. Je crois qu’ils ont plus de chances ici… C’est pour ça que je travaille. »