Obstacles à la prestation des soins de santé pour tou.te.s!

Par Shireen Soofi de Solidarité sans frontières

En décembre 2012, des entrevues ont été menées auprès de personnes travaillant dans des organisations qui fournissent des soins de santé primaires pour les migrant.e.s sans-papiers à Montréal et à Toronto. Les entrevues ont contribué à créer un document pouvant être utilisé par les organismes intéressés à connaître les actes de résistance qui ont lieu dans les cliniques visant à combler les lacunes du système de santé canadien, quelles sont les barrières communes et quelles tactiques sont utilisées pour surmonter les barrières. Cet article n’aborde pas les obstacles innombrables pour ceux.celles qui sont directement touché.e.s par la discrimination du système canadien de soins de santé, mais illustre plutôt la lutte pour la prestation de services de soins de santé alternatifs,  accessibles à tou.te.s.

 

Une quantité incalculable de personnes se voient refuser l’accès aux soins de santé au Canada. À Montréal, plus de 50 000 personnes à statut précaire ou sans statut n’ont pas accès à des soins de santé de base, y compris les soins périnataux, les bilans de santé, les tests sanguins, et l’accès aux médicaments essentiels. De nombreux.ses professionnel.le.s de la santé qui s’efforcent de combler cette grande lacune travaillent principalement sans les ressources nécessaires pour fournir des soins adéquats. Malgré le travail remarquable de nombreux membres de la communauté, ces programmes et ces services existent dans le cadre d’un système de santé dysfonctionnel et raciste, avec des racines coloniale. Les cliniques et les prestataires de soins de santé devraient être poussé.e.s à refuser de se conformer aux politiques discriminatoires qui empêchent les gens d’accéder aux soins nécessaires.

 

En plus de nombreux actes de résistance posés par les personnes qui sont directement touchées par les coupures dans les soins de santé et les personnes solidaires, certain.ne.s professionnel.le.s de la santé résistent également aux politiques honteuses d’exclusion des soins du gouvernement du Canada en préconisant un changement de politique et la prestation de soins aux migrant.e.s indépendamment de leur statut. Il ya environ huit programmes à Toronto, Montréal et Vancouver qui fournissent des services de soins de santé primaires pour les migrant.e.s sans-papiers. De plus, quelques cliniques communautaires dans ces villes acceptent parfois des patient.e.s sans demander de papiers et d’autres organisations fournissent d’autres services comme du counselling ou des soins dentaires accessibles aux migrant.e.s sans-papiers. Toutefois, ces programmes sont souvent sous-financés et débordés, alors que des cliniques communautaires refusent régulièrement des patient.e.s sans papiers d’identité, même si leur mandat est de soigner toutes les personnes au sein d’un groupe cible ou d’une zone géographique.

Ces organisations sont confrontées à des obstacles similaires lorsqu’elles offrent des soins primaires aux sans-papiers, et utilisent souvent les mêmes stratégies pour contourner un système dysfonctionnel. La recherche est basée sur l’expérience de deux cliniques communautaires et d’une clinique gérée par des étudiant.e.s à Toronto, ainsi que deux programmes faisant partie de plus grands organismes à Montréal.

 

Dans de nombreux cas, les soins primaires ne sont pas suffisants, et l’orientation des patient.e.s pour une hospitalisation ou des soins spécialisés, comme des analyses sanguines ou des radiographies, s’est avérée être un problème pour toutes les organisations. Les hôpitaux exigent habituellement un dépôt d’argent avant d’admettre les patient.e.s sans couverture, sauf dans des situations où la vie est en danger immédiat, auquel cas le paiement est exigé par la suite. Orienter les patient.e.s vers des spécialistes ou des soins hospitaliers est un défi énorme et partagé par toutes les organisations, qui nécessite souvent de recourir à des liens informels avec des praticien.ne.s afin d’accéder à des services spécialisés ou à l’hôpital. En outre, une quantité adéquate de médicaments et de matériel médical est presque impossible à obtenir, ce qui conduit toutes les organisations à s’appuyer sur échantillons de médicaments de base et des dons d’équipement pour tenter de répondre aux besoins des patient.e.s. De toute évidence, ces stratégies temporaires ne sont pas durables et ne permettent pas aux patient.e.s d’accéder en toute dignité à des services de santé adéquats.

Dans les cliniques bénévoles, la cohérence et le suivi adéquat est souvent difficile à assurer en raison de la nature d’un bassin de praticien.ne.s bénévoles qui viennent en rotation. Les patient.e.s doivent souvent ré-expliquer leurs préoccupations de santé  à une nouvelle personne à chaque visite. Plus encore, offrir des soins adéquats et comprendre les problèmes de santé de chaque patient.e est presque impossible en raison de dossiers incomplets, voire inexistants. Ces enjeu est problématiques car des services inégaux et variables ne peuvent pas produire de résultats fiables. Les praticien.ne.s ont souligné à maintes reprises qu’il.elle.s n’étaient pas en mesure de fournir des soins répondant aux standards de qualité qu »il.elle.s offrent à leurs patient.e.s assuré.e.s. L’écart indéniable en matière de qualité des services en fonction du statut juridique est contraire à l’éthique, déshumanisant et crée un système de soins à deux vitesses.

 

De nombreuses personnes et organisations ont développé des méthodes pour atténuer les obstacles au traitement des patient.e.s sans-papiers, mais ils ne sont pas viables à long termes et ne sont pas une solution de rechange acceptable à l’accès à des soins holistiques. Certaines organisations ont établi des fonds d’urgence pur des médicaments coûteux ou des services essentiels et hors de prix. Deux cliniques ont élaboré des plans de paiement avec les hôpitaux, qui peuvent prendre la forme de versements multiples, de coûts réduits, ou d’autres négociations. L’une d’elle a également signé une entente avec un hôpital permettant que les frais d’hospitalisation pour les patient.e.s sans papiers soient les mêmes ceux facturés à l’assurance-maladie de l’Ontario pour les patient.e.s assuré.e.s, ce qui a réduit les frais. Malgré ces efforts, ces ententes sont une « solution » à court terme pour des besoins de santé désespérés qui autrement seraient complètement négligés.

 

La cultures de racisme et de xénophobie entretenue par le gouvernement canadien empêche les organisations d’être ouvertes et de prendre position publiquement à propos de l’accès aux soins des personnes migrantes sans papiers. Aucune organisation interviewée offrant des soins primaires aux migrant.e.s sans papiers ne mentionne les termes politisés « sans statut » ou « sans papiers » dans leur nom ou leurs publications, et trouver un équilibre entre la défense de l’accès aux soins pour tou.te.s et la protection de leur financement gouvernemental. Par conséquent, les organisations doivent limiter leur promotion, ainsi que l’accès aux soins reste plaidant pour tous, tout en maintenant un financement public. Un tel climat de peur contribue à la criminalisation des personnes migrantes qui vivent, travaillent et contribuent à nos collectivités. Le gouvernement canadien a exprimé clairement son agenda anti-immigrant avec les coupures dans le Programme fédéral de santé intérimaire et l’introduction de la Loi sur l’exclusion des réfugié.e.s ( la Loi visant à protéger le système d’immigration du Canada, le projet de loi C-31), qui est une extension de l’histoire coloniale du Canada et de ses politiques d’immigration racistes et d’exclusion.

 

Afin d’offrir l’accès aux soins de santé pour tou.te.s, indépendamment du statut, les cliniques communautaires devraient prendre des mesures immédiates en refusant de coopérer avec les politiques d’exclusion des soins de santé du Canada et en acceptant tou.te.s les patient.e.s, peu importe leur statut. Les professionel.le.s qui travaillent dans les cliniques communautaires sont le plus souvent payé.e.s à l’heure –  en d’autres termes, leurs patient.e.s n’affectent pas leur paie, dans la majorité des cas, qui donne de la flexibilité pour soigner tout le monde. Cependant, de nombreuses cliniques communautaires continuent à exiger des papiers et à créer  un environnement qui est ouvertement hostile aux migrant.e.s. La résistance est nécessaire pour lutter contre les attaques du gouvernement canadien, qui exploite, chosifie, et bénéficie d’un nombre incalculable de personnes sans papiers. Les cliniques communautaires doivent être poussées à accepter tou.te.s les patient.e.s indépendamment de leur statut afin de combler temporairement l’immense vide actuel qui met la vie de milliers de personnes en danger.