Nous le répétons, les frontières tuent, la négligence de l’ASFC tue : Nous dénonçons la mort de migrants au centre de détention de Surrey, en Colombie-Britannique, et au chemin Roxham.

Nous sommes une fois de plus enragée-s et attristé-e-s d’apprendre la mort de deux migrants en l’espace de deux semaines.

Le 27 décembre, l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a annoncé qu’un détenu avait été déclaré mort le 25 décembre au centre de détention de l’ASFC de Surrey, en Colombie-Britannique. Le 5 janvier, la Sûreté du Québec a confirmé avoir trouvé le corps sans vie d’un homme près de du chemin Roxham, un passage irrégulier entre les États-Unis et le Canada.

Nous déplorons la mort de l’homme migrant près du chemin Roxham et tenons le gouvernement canadien pour responsable et redevable de cette mort. Bien que nous ne connaissions pas la cause du décès, nous pouvons affirmer avec certitude que personne ne devrait avoir à mourir seul-e en essayant de traverser la frontière au prix d’un grand stress personnel, de dangers et de dépenses importantes. Toute personne a le droit de migrer, le droit de résister aux déplacements forcés et le droit de retourner dans son pays d’origine si elle le souhaite.

Rappelons-nous que c’est l’Entente sur les tiers pays sûrs qui oblige les gens à choisir des moyens plus risqués pour traverser la frontière. Cette entente est un accord entre le Canada et les États-Unis qui est en vigueur depuis 2004 et qui stipule que les États-Unis et le Canada désignent l’autre pays comme un pays sûr pour les réfugié-e-s et ferment la porte à la plupart des demandeur-se-s d’asile à la frontière canado-américaine. Cet accord a été largement critiqué par de nombreuses organisations et par les migrant-e-s et les réfugié-e-s elleux-mêmes, notamment parce qu’il porte atteinte au droit de toute personne fuyant les persécutions de demander l’asile. En vertu de cet accord, les migrant-e-s et les réfugié-e-s qui présentent une demande d’asile aux postes frontaliers officiels du Canada et qui ne répondent pas aux critères sont automatiquement renvoyé-e-s aux États-Unis sans procédure régulière. En conséquence, de nombreux-ses migrant-e-s et réfugié-e-s se résignent à traverser la frontière canado-américaine par des points d’entrée dits « irréguliers », dont le chemin Roxham, parfois au péril de leur vie, comme ce qui vient de se produire.

Quant au décès de la personne détenue par l’ASFC, il est mentionné dans leur communiqué que les proches du migrant décédé ont été contacté-e-s, mais on n’y trouve aucune information concernant le nom de la personne, son âge, son sexe, son pays d’origine, et encore moins la raison ou la durée de sa détention. De plus, aucune information sur les circonstances dans lesquelles la personne est décédée au centre de détention (à savoir pourquoi ils n’ont pas pu amener la personne à l’hôpital à temps pour lui sauver la vie) n’a été divulguée. Comme d’habitude, l’ASFC prétend agir ainsi « pour des raisons de confidentialité » (source : déclaration de l’ASFC).

Le décès de ce migrant dans la prison de Surrey (Colombie-Britannique) fait écho à celui d’une autre personne détenue à Laval (Québec) en janvier 2022. L’ASFC n’a pas non plus partagé de détails, notamment sur les circonstances du décès de cette personne, et a insisté sur le fait qu’aucune information ne serait divulguée car une « enquête est en cours ». Près d’un an plus tard, il n’y a toujours pas eu de mise à jour. Il devient de plus en plus clair que l’ASFC ne cherche qu’à masquer la violence de son régime de détention et à s’assurer qu’elle ne sera jamais tenue responsable des décès survenus sous sa garde, tout en tentant d’échapper à l’examen public.

La personne qui est décédée à Surrey, en Colombie-Britannique, est morte dans le centre de détention pour migrant-e-s nouvellement construit. Ironiquement, à Montréal, des groupes ont protesté contre la nouvelle prison pour migrant-e-s, ce soi-disant centre de détention, qui est présenté comme un endroit plus confortable pour les personnes détenues. Une prison reste une prison, qu’il y ait une cour à l’intérieur ou non. Ces installations sont inhumaines et le traitement des personnes qui y sont détenues reste brutal et, comme nous l’avons vu, parfois mortel. Les millions de dollars dépensés dans de nouvelles installations ne remplacent pas la liberté. Aucun emprisonnement n’apporte justice ou dignité.

Nous le répétons : les frontières tuent, la négligence de l’ASFC tue. Aucun-e migrant-e, aucun être humain, ne devrait avoir à subir un traitement aussi cruel. Nous continuerons de nous battre jusqu’à ce que chaque personne soit libre.

La façon dont l’ASFC gère la détention et les soins médicaux des personnes détenues montre clairement comment elle déshumanise les gens pendant leur détention et aussi lorsqu’elles décèdent. Il ne suffit que d’observer le nombre de décès pour comprendre l’ampleur du phénomène ; au cours des vingt dernières années, au moins 17 personnes sont mortes en détention :

Bolante Idowu Alo
Abdurahman Ibrahim Hassan
Fransisco Javier Roméro Astorga
Melkioro Gahung
Jan Szamko
Lucia Vega Jimenez
Joseph Fernandes
Kevon O’Brien Phillip
Homme non-identifié
Shawn Dwight Cole
Homme non-identifié
Joseph Dunn
Personne non-identifiée
Sheik Kudrath
Prince Maxamillion Akamai
Personne non-identifiée
Personne non-identifiée

« Aussi longtemps que l’ASFC continuera de détenir des migrant-e-s, les décès en détention se poursuivront », est-il écrit dans une déclaration conjointe publiée par des organisations pour la justice migratoire basées en Colombie-Britannique.

Nous, les groupes soussignés, sommes solidaires de la famille de la personne tuée et des groupes en soit-disant Colombie-Britannique qui sont en première ligne pour combattre cette injustice.

Rappelons-nous que la détention fait partie intégrante de la matrice répressive du système d’immigration canadien. C’est un outil que l’État canadien impérialiste utilise pour se dégager de toute responsabilité envers les personnes qui migrent pour une vie meilleure, qui cherchent à quitter des situations de pauvreté, d’exploitation et de violence, où l’État et les entreprises canadiennes sont souvent complices de la création de ces mêmes conditions.

L’objectif de l’appareil de détention de l’État est de dissuader les gens d’entrer dans la forteresse du Canada. Cela opprime les migrant-e-s et les oblige à vivre en marge, isolé-e-s et dans la clandestinité, craignant constamment d’être arrêté-e-s et emprisonné-e-s. La pratique de l’emprisonnement des migrant-e-s favorise en fait l’exploitation des personnes vulnérables qui doivent travailler et vivre dans des conditions abusives et dangereuses, sans recours ni protection.

Nous dénonçons la mort de ces deux migrants sur le chemin Roxham et dans le centre de détention de Surrey, en soit-disant Colombie-Britannique, et exigeons que cette violence et l’impunité de l’ASFC cessent. Pas une mort de plus.

Nous exigeons des frontières ouvertes, la fin de l’Entente sur les tiers pays sûrs, et la libre circulation des personnes en quête de justice et de dignité, c’est-à-dire la liberté de se déplacer, la liberté de revenir et la liberté de rester.

Arrêtons les détentions, arrêtons les déportations ! Nous exigeons un programme de régularisation complet et continu, sans exceptions ni discriminations !

Endossé par :

Butterfly (Asian and Migrant Sex Workers Support Network)
Carranza LLP
Migrant Workers Alliance for Change
Migrante Canada
Migrante BC
No One Is Illegal Toronto
Parkdale Community Legal Services
Progressive Chinese of Québec
RAMA Okanagan
RAMA Isla
Sanctuary Health
Sanctuary Students Solidarity & Support Collective
Solidarity Across Borders
Vancouver Committee for Domestic Workers and Caregivers Rights
Workers’ Action Centre